L’enfer est si beau

Aux Lofotens le trajet en bus est un prisme fabuleux pour dénicher des petits bouts de paradis, malheureusement sans escale.
Depuis notre arrivée à Kabelvåg nous cherchons donc partout où louer des vélos : après nous être renseignées auprès de notre hôte, à l’épicerie du coin, puis au guichet de l’aquarium, nous essayons en dernier recours une boutique locale vendant de tout et rien.
Le jeune homme est un peu étonné de notre requête puis nous propose deux vélos, pour une belle somme. Je demande ironiquement si c’est un tarif « touristes » et il accepte de nous faire un prix d’ami.
La négociation fut trop facile, car au lieu de bolides chromés nous venons en fait de louer des antiquités rouillées et crasseuses.

Premier coup de pédale, du cambouis plein les jambes.
Pas de garde boue pour Hélène, le mien frotte contre la roue et nous remarquons rapidement que les vitesses se changent toutes seules, selon leur bon gré, occasionnant de petites surprises dans les montées. Plus les freins qui se rebellent… Par moments dans les hauteurs la respiration se fait même un peu difficile, ceci dû à la rarification de l’oxygène. Bref le périple devient vite harassant et frustrant.
Les autres cyclistes nous doublent allègrement, avec leurs engins flambants neufs, leurs porte-bouteilles et leurs combinaisons fluo.

Mais nous y arrivons! Première destination, une petite crique près de Rorvik.

DSC_0305

Hélène me montre un panorama au loin, de l’autre côté de la montagne. Je lui suggère d’y faire un tour pour prendre ses prises de vues en lui assurant que je trouverai bien de quoi m’occuper…

Et… à moi la plage!
Vite je dégote un petit coin de sable isolé des touristes, encerclé de rochers. Le soleil est chaud, contrastant avec l’eau glaciale qui vous saisit douloureusement jusque’aux chevilles .
Mais on est bien, là.

Je me prélasse tout en observant les enfants jouer et pousser des cris aigus dans l’eau polaire.

DSC_0276

DSC_0278

DSC_0295

Hélène me rejoint une heure plus tard, couverte de brindilles et de chenilles. Sauvages Lofotens…
On remonte sur nos fidèles destriers, et direction Hennigsvaer, surnommée « la venise des Lofotens ».
Le trajet est de plus en plus pénible, et aux freinements intempestifs se mêle un puissant vent, à contresens.

L’enfer.
Et pourtant, un enfer si beau!

DSC_0330

Suffoquer, se traîner en traversant de tels paysages, si vertigineux, si grands et lumineux, en devient invraisemblable.
Le retour a des allures de challenge, et un sentiment de triomphe nous envahit quand nous achevons l’ultime montée avant Kabelvåg.

Maud

Mais fini de rire, nous déboulons comme deux tornades à la boutique. Le jeune homme de ce matin n’est plus là mais sa remplaçante (sans doute sa mère) entend nos rugissements pour ces 40 km de tortures. et accepte penaude une somme symbolique en guise de paiement.
Double victoire!

Le lendemain, nous remettons ça : au programme, ascension d’une montagne de 500 mètres.
Mes pieds me font toujours souffrir depuis notre randonnée vers les plages d’Haukland, mais je tente l’aventure, un peu impressionnée par le chemin escarpé, et pas toujours très bien balisé (à peine quelque pierres marquées de rouge).

hop
Les derniers mètres sont épiques, hissées à une corde enroulée autour d’un rocher, mais nous réussissons!

Et le spectacle en vaut la chandelle : un 360° de neiges éternelles, de lacs en hauteur, de villes miniatures et la mer sans fin. Vertigineux!

DSC_0366

DSC_0352

DSC_0344

IMG_9214

Le retour se fait rapidement car cette fois, nous avons décidé de nous offrir un petit moment de luxe dans ce cadre si particulier…
Nous revenons sur la jetée, et sortant du chemin de la digue, nous établissons une aire de pique-nique sur des rochers plats et isolés.

Champagne! (et torrfisk séchés)

Sous le soleil de minuit, dans un air doucement iodé, le paradis n’est pas si loin…

DSC_0390

DSC_0396